Les Verts et le réel, par Jean-Paul Besset

Publié le par Victor

Jean-Paul BESSET - 27.6 koHors du parti, point de salut ! On connaît la chanson, et tu l'entonnes gaillardement, cher Yann Wehrling (Le Monde du 9 janvier). Si nous te lisons bien, le grand péché de Nicolas Hulot consisterait à ne pas appartenir à la famille des Verts et, pauvre hère sans boussole, à rouler sans le savoir pour le "microcosme politique et entrepreneurial parisien". Au détriment évidemment des "vrais de vrai" de l'écologie, victimes, eux, de "censures" et de "procès".

Ainsi, Nicolas Hulot serait, selon les Verts, ou du moins selon leur porte-parole national, le fossoyeur (inconscient ou cynique) de l'écologie. La preuve ? Les médias écoutent Hulot, et, faute impardonnable, celui-ci s'efforce de convaincre ceux qui ne le sont pas ! Si tu le veux bien, Yann, oublie un instant ta posture, abandonne le jeu de rôle des périodes électorales et les procès en diabolisation si utiles pour masquer ses propres tourments. Reviens au réel, aux faits, aux textes publiés, aux engagements écrits, aux affirmations publiques.

Tu affirmes que la campagne menée autour du Pacte écologique a "des effets contre-productifs". Voilà de quoi surprendre l'observateur rationnel. Les grandes et graves questions de l'enjeu écologique ne sont-elles pas, depuis trois mois, exposées et débattues en pleine lumière ? Sous la pression, les principaux candidats à l'élection présidentielle n'ont-ils pas ressenti une soudaine et ardente obligation de bouleverser leur programme pour tenter, à leur façon, d'intégrer cette dimension ? Une part significative de la société ne se mobilise-t-elle pas autour du pacte ? Nicolas Hulot n'est certes pas le seul vecteur de cette empreinte écologique sur l'opinion. Il catalyse seulement sur sa personne et ses propositions l'accélération d'une prise de conscience collective et le travail de sensibilisation mené par les écologistes - dont les Verts - depuis des années. Prétendre que le coup de pouce qu'il a ainsi donné "finit par atténuer l'action des associations et des militants verts" relève d'une bizarrerie confondante.

Tu dénonces une prétendue mollesse à "pointer du doigt" les vrais responsables. Nicolas Hulot n'a en effet que peu de goût pour les facilités tribunitiennes. Le Pacte écologique s'efforce plutôt d'examiner les causes profondes, "systémiques", de la catastrophe possible. Une citation pour te rassurer ? "L'impératif écologique sonne le glas des deux grands systèmes idéologiques, l'ultralibéralisme et le collectivisme" (page 24). Ou encore : "Il faut renoncer à l'enthousiasme général pour le principe de croissance maximale en tout domaine et en toutes circonstances" (page 41). Est-ce vraiment cela qui ferait de Hulot "le représentant d'une écologie acceptable par les pollueurs" ?

Tu regrettes que "tout le monde soit mis sur le même plan", riches et pauvres, puissants et misérables. C'est exactement l'inverse qui est écrit. Par exemple (page 26) : "Les efforts ne peuvent pas être identiques pour chacun, le niveau d'aisance matérielle des uns et des autres, des peuples comme des individus, de même que leur impact sur la dégradation de la situation, ne sont pas comparables." En revanche, oui, le pacte affirme que la responsabilisation de chacun est aussi engagée. Ce n'est pas seulement les autres qui doivent changer. La nécessaire "mutation" écologique de la société lie changements structurels et modifications comportementales, système et individus. Ne crois-tu pas avec nous que cela concerne aussi le ressort intime de l'existence de chacun ?

Tu laisses entendre que Nicolas Hulot pourrait envisager d'appeler à voter pour Nicolas Sarkozy. Où et quand une telle intention a-t-elle été dite ou suggérée ? Intox ou ragot ? Tu l'accuses, dans le même élan, de s'adresser à l'UMP. Et alors ? Parce qu'elle est de nature associative, la démarche du pacte s'adresse effectivement à tout le monde, elle interpelle toutes les forces politiques qui doivent prendre la mesure des enjeux pour l'intérêt général. Même celles qui se revendiquent à gauche... Faudrait-il renoncer à parler à tous ? Et se désespérer que certains puissent changer de représentation du monde ?

Tu ne vois ni "chiffrage" ni "échéancier" dans le Pacte écologique. Etrange cécité ! La réorientation des subventions agricoles européennes en direction de l'agriculture biologique et certifiée (12 milliards d'euros !) et l'instauration progressive d'une taxe carbone jusqu'à la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre ne sont-elles pas chiffrées ? Les cinq mesures concrètes avancées ne sont-elles pas conçues pour application immédiate ? Un doute me saisit : as-tu bien lu ce que tu critiques avec légèreté ?

Cher Yann, il fallait ce rappel des faits pour que la discussion avec les Verts ne s'embourbe pas dans les a priori, les rumeurs et les fantasmes. Selon toi, Nicolas Hulot "ne prend pas parti" (suggérant ainsi élégamment qu'il rejoint celui "des criminels de l'environnement"). Eh bien si, justement, il prend parti, mais pas selon la règle des vieux catéchismes qui nous ont conduits là où nous sommes. Il prend le parti de l'écologie, ce nouveau paradigme qui invite à repenser et à resituer la politique sur une autre échelle. Avec ou sans toi, Yann ?

Car n'est-il pas temps que tu comprennes que, lorsque le brise-glace est en route, mieux vaut prendre le chenal plutôt que de chipoter sur la couleur du bateau et risquer de rester échoué sur la banquise ?

Jean-Paul Besset est porte-parole de Nicolas Hulot.

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